Depuis quelques semaines, les habitants de Poissy et les membres de sa paroisse entendent doucement parler de la communauté Sainte-Angèle : quelques jeunes souhaitant s’installer parmi d’autres locataires dans un vaste parc de 24 hectares appartenant à un Foyer de Charité pour y mener une vie commune et faire pousser des légumes. Mais qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Que veulent-ils vraiment vivre ?

Tous, que nous soyons des convaincus ou des novices dans la conversion écologique, nous constatons à quel point il est difficile d’avancer seul sur ce chemin. Nous sommes même, pour certains, bien embêtés face à ce que nous pourrions voir comme un paradoxe : la transformation écologique de la société ne passera pas d’abord par les politiques mais par des initiatives personnelles ; par ailleurs nous nous sentons bien démunis devant la complexité de la tâche qui repose alors sur nos petites épaules… Alors, comment faire ? De plus en plus de personnes tentent l’aventure collective, comme un échelon entre la personne et la cité. C’est le pari que nous faisons pour la rentrée 2019 à Poissy, dans l’ouest parisien.

Nous, ce sont initialement des anciens de l’institut Philanthropos en Suisse. Après avoir vécu une année très riche de formation intellectuelle, de vie communautaire et spirituelle, quelques membres de la quatorzième promotion de cet institut – dirigé par Fabrice Hadjadj – réfléchissent à se regrouper dans une maison communautaire pour incarner ce qu’ils ont reçu en Suisse. Au fur et à mesure que le projet se définit, certains estiment que leur place n’est pas ici, et les derniers lancent fin mai un appel dans la revue Limite pour être rejoints dans cette folle aventure. Nous sommes aujourd’hui cinq personnes, dont deux anciens de Philanthropos.

Notre aspiration profonde est de vivre l’altérité dans la relation et d’incarner notre vie dans la pratique – de la prière, du travail de nos mains, de la charité. La vie communautaire nous paraît être un moyen privilégié pour cela, car en vivant ensemble, la fuite n’est plus possible et l’autre devient un soutien et une force là où nous baisserions bien vite les bras en étant seuls. Car si ce que nous écrivions au début de cet article est vrai en ce qui concerne la conversion écologique, ça l’est évidement aussi dans les autres conversions que nous avons à vivre, in fine dans notre propre conversion spirituelle – jamais totalement terminée. Il va sans dire que la fin de tout ce que nous entreprenons aujourd’hui est la sainteté, vers laquelle tous nous devons tendre jusque dans nos moindres petites actions.

Pour entreprendre tout cela, nous avons mis au point une charte qui définit les grandes orientations de notre communauté : la vie fraternelle, la vie spirituelle, la vie écologique et l’action sociale. Ces quatre points sont intimement liés et, à nos yeux, ne valent plus grand-chose séparés les uns des autres : c’est ce que l’on appelle l’unité de vie, la recherche toujours plus grande de cohérence.

« il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale mais une seule et complexe crise socioenvironnementale »

Pape François, dans son encyclique Laudato Si’ (LS 139)

Notre vie fraternelle tournera notamment autour de repas communs, de discussions communes pour définir – à l’unanimité – les moyens concrets de faire vivre notre communauté, et bien sûr de moments de prière communs. Il va sans dire que tout cela ne sera possible que si chacun prend part à sa mesure aux mille et unes tâches nécessaires à faire tourner la maison. Il faut également préciser ici qu’il est demandé à chacun d’avoir une activité personnelle en-dehors de la communauté, que ce soit un travail ou des études ou une activité bénévole.

La vie spirituelle que nous souhaitons vivre est le point le plus important des quatre, et pourtant celui dont il est le plus difficile de parler. Car à part dire que nous voulons prier ensemble pour être soutenus dans nos vies intérieures personnelles, que rajouter de plus ? Peut-être que nous souhaitons réconcilier le corps et l’âme, face à une tendance parfois très spiritualiste de nos contemporains catholiques qui estiment que mener une vie de prière régulière et aller tous les dimanches à la Messe suffit pour gagner le Salut. Nous sommes la religion de l’incarnation : le Christ s’est fait homme, « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Comment alors ne pas prendre le Fils de l’Homme en exemple, Lui qui a pris notre condition pour nous réconcilier avec Dieu ? Ainsi, notre vie spirituelle est vaine si elle ne rejaillit pas dans chacun de nos actes. C’est pourquoi nous souhaitons « respiritualiser » les choses simples de notre vie quotidienne. Également, nous souhaitons prendre part à la vie de l’Eglise en nous insérant dans les communautés locales dont évidemment la paroisse de Poissy et le diocèse de Versailles, en proposant nos services pour l’animation liturgique notamment.

La dimension écologique de notre communauté s’organisera autour d’au moins trois points : la réduction de nos besoins – énergie, consommation, etc. ; l’autoproduction partielle d’une partie de notre nourriture et si possible des objets du quotidien ; la consommation la plus éthique possible – production locale et respectueuse de la Création.

Enfin, la dimension sociale s’incarnera principalement dans notre intégration dans les quartiers populaires qui nous entourent, en nous mettant au service des populations voisines par le biais d’un patronage qui sera monté par la paroisse de Poissy cette année pour venir en aide aux enfants et aux familles des quartiers HLM.

Mais pour faire, pour vivre tout cela, nous avons encore besoin de volontaires ! Nous sommes aujourd’hui cinq personnes à nous être engagées dans cette aventure, d’autres sont en phase de nous rejoindre, et nous devons atteindre l’effectif de onze personnes à la rentrée pour que le projet soit viable. Certains sont déjà installés sur place, un potager est déjà productif – malgré la dure sécheresse de cette année. Des travaux nous attendent pour rendre la maison vraiment habitable, et tout reste à inventer pour mettre notre communauté sur pied !

Si vous êtes intéressés, écrivez-nous sur communaute.sainte.angele@gmail.com. Et parlez de nous à tous vos contacts potentiellement intéressés par un projet fou pour cathos écolos en devenir !

La communauté Sainte-Angèle Mérici

« Elle [l’Église] ressurgira par les petits groupes, les mouvements et une minorité qui remettra la foi et la prière au centre de leur vie et expérimentera de nouveau les sacrements comme service divin et non comme un problème de structure liturgique. Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s’arrogera pas un mandat politique flirtant de-ci avec la gauche et de-là avec la droite. Elle fera cela avec difficulté. En fait, le processus de la cristallisation et de la clarification la rendra pauvre, la fera devenir une Église des petits, le processus sera long et pénible… mais après l’épreuve de ses divisions, d’une Église intériorisée et simplifiée sortira une grande force. »

Joseph Ratzinger, dans Foi et Avenir, 1971

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2 commentaires

  1. Bonjour, je souhaite vivre ou monter un projet similaire (à la recherche d’autres personnes pour m’accompagner).. lieu d’accueil chrétien, vie en collectivité, décroissant avec dimension sociale et culturelle.. Je suis protestante (j’ai étudié 6 ans la théologie à Paris). en recherche pour trouver un ministère « autrement ».. est il possible de venir vous rendre visite?
    merci pour le site qui est très bien fait !
    Fraternellement,
    Claire

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