Après deux mois sans nouvelles, à votre grand désespoir (enfin, je crois…), me revoilà ! Après cinq semaines de vacances de fin juillet à fin août, entre Finistère, Portugal, Lourdes, Lot-et-Garonne et Vendée. Vacances dont je vous épargnerai le récit mais qui furent riches en aventures et discussions familiales et amicales !
C’est le 1er septembre que j’ai repris mon tour pour me diriger vers l’Anjou et passer huit jours dans une ferme familiale, convertie en bio depuis 1992. Une semaine passionnante, et parfois quelque peu déroutante pour moi de par la taille de l’exploitation, inhabituelle par rapport à ce que j’avais vu jusqu’à présent. En effet, c’est sur pas loin de deux cent hectares que les quatre associés (dont un père et trois de ses fils, sans compter sa femme qui sans faire partie juridiquement de la structure n’en est pas moins très active) se partagent l’élevage des vaches à viande, la culture notamment de céréales et la transformation en farine, le potager, le poulailler et les clapiers à lapins, sans compter une partie de la vente directe. Enormément de discussions, notamment sur les compromis qu’impose la taille de l’exploitation par rapport à un certain idéal écologique que peuvent avoir les personnes que je rencontre habituellement. La mécanisation est par exemple omniprésente ici, alors que certains la refusent ou du moins s’en servent le moins possible. Malgré tout, cette famille vise (et vit déjà) en quasi-complète autonomie par rapport au système, que ce soit au niveau alimentaire, économique ou énergétique. Ils envisagent depuis longtemps la possibilité de la vie « post-pétrole » en se préparant à produire eux-mêmes un substitut au carburant classique, une grande partie de leur électricité est produite via des panneaux solaires (excepté pour les machines les plus gourmandes), ils s’éclairent en basse-consommation et n’ont pas encore exploré tout ce que peut leur offrir l’éolien individuel. Leur eau vient d’un puit. Ils se chauffent au bois. Ils entretiennent eux-mêmes, dès que cela est possible, leur matériel et construisent leurs bâtiments. De par leur quasi-autonomie alimentaire, ils produisent extrêmement peu de déchets, dont la majorité est biodégradable et part au compost ou aux bêtes. La liste est longue !
Quant à l’état d’esprit qui pourrait se dégager d’une structure conséquente, il n’en est rien chez eux : convertis en bio depuis 1992, à l’époque où la mode était ailleurs, ils sont des écolos convaincus et non opportunistes, la recherche du profit n’est pas prioritaire pour eux. Leurs exigences sont bien supérieures à celles exigées par l’Union Européenne pour obtenir le label « AB – Agriculture Biologique », label qu’ils surnomment « bio-conventionnel » et qu’ils rejettent à peine moins que ce qu’ils préfèrent appeler « l’agriculture chimique », car « conventionnelle laisse croire que c’est normal ».
Quand je leur demande ce qu’ils pensent de la nouvelle génération qui retourne à la terre sur de tous petits projets de quelques hectares maximum, ils soutiennent évidement mais sont perplexes, car ils ne voient pas trop comment cela pourrait être compatible avec la charge d’une famille. Et raison de plus : « les conventionnels qui partent à la retraite ou meurent laissent des terres, si nous ne les prenons pas, elles retomberont aux mains de l’agriculture chimique. Nous avons le devoir d’empêcher ça ! ».
J’ai été très bien accueilli durant ces huit jours, et ai été heureux de pouvoir participer à ma mesure au travail de la ferme, entre farine, bétail (dont un vêlage), constructions, entretien quotidien des volailles et lapins. Madame Mère m’a accompagné toute la semaine pour me donner ses conseils après que je lui aie parlé de mon projet d’autonomie alimentaire, m’a appris à faire du pain au levain naturel et plein d’autres choses. Monsieur Père m’a appris la soudure et l’un de ses fils le béton. Bref, une semaine riche !
Un rapide passage ensuite à la Ferme de la Potinière, à une heure d’Angers, pour rencontrer Eudes qui reprend ici une ferme familiale en bio. Il n’a que deux heures à m’accorder ce jour-là, où il me fait visiter les lieux et m’explique son projet, entre viande, miel et herbes médicinales. Il n’est pas forcément un « écolo convaincu », mais trouverait ça dommage de refaire passer en conventionnel des terres que son père s’était acharné à conserver saines, et il compte aussi surfer sur la vague du bio actuelle. D’un tempérament plus entrepreneur que paysan, il voit les choses de manière à optimiser au maximum les rendements en restant bien sûr dans les limites des contraintes bio. Encore un autre profil, avec lequel je me sens plus en décalage, ce qui n’a pas empêché de passer un bon moment et d’avoir de belles discussions !
Puis passage de quelques jours à Paris pour divers rendez-vous et réflexions importantes pour la suite du périple. La reprise après l’été est très difficile, il me faut prendre le temps de redéfinir certains aspects de mon tour, notamment au niveau organisation. Il apparaît en effet que durant le premier mois, il y a peu d’endroits où j’ai réellement partagé la vie et le travail des gens que je rencontrais, notamment parce que j’y passais rarement plus d’une journée. Pour remédier à cela, j’ai décidé de faire durer mon tour de France jusqu’en août prochain (au lieu de décembre de cette année, initialement) afin de pouvoir prendre le temps d’approfondir les choses quand cela est possible.
Egalement réflexion sur le besoin de plus en plus pressant pour moi de me former intellectuellement, et sur mon besoin d’accompagnement pour arriver à cela. J’ai pris contact avec l’institut Philanthropos, qui donne une formation philosophique que je ferai à priori à partir de septembre prochain. D’ici-là, je suis en contact avec certains professeurs qui me donnent des conseils, notamment de lectures, et se mettent à ma disposition si j’en ressens le besoin.
Voilà qui me redonne l’énergie nécessaire pour repartir sur mon tour, avec un objectif plus clair, des outils pour ma réflexion intellectuelle, plus de temps pour le mettre en œuvre et la volonté de tenter d’organiser les choses de façon à mieux profiter de chacun !
Je repars donc vers l’ouest en profitant des deux semaines qu’il me reste avant le grand rassemblement du 8 octobre prochain à Notre-Dame-des-Landes pour me rendre à quelques adresses que je n’avais pas eu le d’exploiter avant l’été. Passage forcé de deux jours à Saint-Nazaire pour un stage de récupération de points. En repartant à la fin des deux jours, je croise au bout de cinq minutes des panneaux indiquant une fête pour les dix ans de Triptolème, une association de préservation des blés anciens et de boulange co-créée par Daniel Testard. Je m’y dirige sur le champ, et tombe sur un chouette rassemblement en pleins champs, avec des stands paysans et des démos diverses. Le terrain appartient au Jardin des Forges, une des associations associée à Triptolème, qui cultive des blés anciens, fait de la permaculture et élève des bêtes (moutons typiques bretons en voie de disparition, volailles). Des stands anti-aéroports proposent à prix libres des bouquins et documents expliquant la lutte. Ironie du sort, le terrain d’à-côté appartient à une filiale de Vinci, principal promoteur du nouvel aéroport. Nul doute que le voisinage risque de se tendre en cas de grabuge à NDDL. Après une soirée sympa, entre bonne bouffe et fest-noz, dodo à quelques pas de là.
Le lendemain, direction Le Croisic, petite ville côtière sympathique, pour la Messe et le déjeuner. Dans l’après-midi, je me dirige vers Blain rejoindre mon frère, ma belle-sœur et leurs deux filles une fête médiévale dans le parc d’un magnifique château. Un campement médiéval rempli d’artisans à l’ancienne est installé à côté, chouette moment ! Et le soir, crapahutage avec mon frère et un de ses potes pour essayer d’apercevoir des cerfs. On les a bien entendus, mais pas vus ! Tant pis !
La semaine prochaine, direction le Finistère pour passer quelques jours à l’Arche du Guenvez, communauté catho-écolo à l’école de Lanza del Vasto. Plus de nouvelles bientôt !