Cet entretien est un apport de cet article et le troisième d’une série de six entretiens. Lisez la partie précédente en cliquant ici.


Que pouvez-vous me dire sur la vie communautaire telle que vous la vivez ?

Benoît : Je pense que l’on va plus loin dans la vie spirituelle et dimension chrétienne de l’hospitalité par la vie communautaire plutôt que seul dans son coin ou en famille, à quelques exceptions près.

Et en même temps, la vie communautaire est un long combat, comme le dit saint Benoît. Il peut être intéressant de relire les textes de la Bible sur la vie fraternelle, on y voit que c’est souvent le lieu de grands affrontements depuis Caïn et Abel. Mais quand on regarde les livres bibliques, la fin de l’enfer, c’est quand les frères arrivent à passer de fratricides à fraternels ; c’est la restauration paradisiaque. Le jeu en vaut la peine, malgré la rudesse du combat.

Robert : Lanza del Vasto dit qu’en communauté, on a le devoir d’aimer, parce qu’on ne vient pas avec ses amis, on ne choisit pas les personnes. On est appelé à une vocation. Cet appel de Dieu nous fait entrer en communauté, sous une règle, car l’Arche est constituée comme un ordre. Et les trois éléments constitutifs d’un ordre sont des vœux, une règle de vie et une vie commune.

Il y a toujours une personne avec laquelle on éprouve de la difficulté, difficulté à accepter l’autre, à voir la beauté dans l’autre, à l’accueillir et à l’aimer. Donc parfois, il y a des efforts à faire.

Egalement pour trouver la juste relation, il y a toute une sagesse communautaire, une organisation de la vie commune, une tradition de la vie communautaire qui met en équilibre la réalité de la personne et celle de la communauté. Cette tradition dans laquelle on s’inscrit va nous travailler avec les années, nous polir. On arrive bien carré dans la communauté, avec plein d’angles, et tranquillement les angles s’arrondissent à force de mouvements, de vagues relationnelles qui nous polissent pour nous rendre comme un beau galet, tout arrondi. Disons en tout cas que c’est ce qu’on espère !

Mais il faut malgré tout rester soi-même, il ne s’agit pas d’une fusion, ni d’un individualisme replié sur lui-même. On est interpellé chaque jour, il y a une présence quotidienne à l’autre et au groupe, à soi-même également par les pratiques personnelles. Tout cela constitue le tissu communautaire.

Peut-être Elisabeth peux-tu parler de notre organisation communautaire ?

Peut-être en axant sur votre modèle de communauté de familles ? Comment concilier vie familiale et vie communautaire, sans que l’une prenne le dessus sur l’autre ?

Elisabeth : Tout d’abord, chaque parent à l’autorité sur ses enfants. Bien sûr, comme nous vivons ensemble, il y a un certain nombre de règles ou d’habitudes que l’on ajuste régulièrement, mais l’autorité parentale prime.

La famille est au cœur de l’engagement et de la vie communautaire. Au quotidien, chaque famille à son espace propre, son logement. Le petit-déjeuner et le repas du soir sont pris en famille (à l’exception du samedi soir avec le repas festif communautaire, NDLR) et les célibataires les prennent ensemble s’ils le désirent.

La communauté est une famille de familles et de célibataires, puisque…

Robert : C’est une tribu !

Elisabeth : … ce n’est pas évident d’ajuster des familles avec des célibataires, qui n’ont pas les mêmes besoins, pas les mêmes rythmes de vie. Il en est de même avec les familles ayant des enfants de différentes tranches d’âges, ou bien avec des anciens. Mais chacun doit avoir sa place, dans les différentes étapes de sa vie.

Dans une communauté où il y aurait plusieurs traditions religieuses différentes, avec chacune son calendrier propre, des jours de repos différents, comment concilier tout ça ?

Robert : Nous allons accueillir une famille juive messianique, nous allons donc devoir y réfléchir concrètement puisque par exemple, ils ne travaillent pas le samedi, jour du Shabbat. Je pense qu’il y a des solutions : ils travailleront le dimanche et nous le samedi… On devrait pouvoir y arriver.

Elisabeth : Nous n’avons pas de théories là-dessus, quand le cas se présente, on cherche une solution. Nous l’avons un peu vécu avec une famille orthodoxe une année où le Carême et Pâques étaient très éloignés dans le temps. Ça a été un vrai casse-tête de voir comment, communautairement, nous pouvions nous accompagner mutuellement. Nous avons finalement fait un double Carême ! (rires) Mais c’est une expérience qui n’est pas inintéressante, de rencontrer l’autre dans sa différence.

C’est la vie qui nous donne de régler ces questions avec les personnes qui nous entourent au moment où elles sont là. L’idée est de trouver ensemble le chemin d’articulation pour que chacun se sente reconnu et accueilli avec son chemin propre.

Robert : Il y a eu une communauté au Maroc qui était majoritairement musulmane, et les musulmans comme les chrétiens étaient témoins de la vie des uns et des autres, ils assistaient aux fêtes religieuses les uns des autres. Après, il ne s’agit pas de tout mélanger, mais je pense qu’être témoin de la foi de l’autre fait partie de notre vocation. C’est sûr que c’est une certaine ouverture d’esprit, mais qui demande un grand enracinement, sans quoi on peut vite déraper dans du syncrétisme. Nous sommes très vigilants à ça.


Mode de vie

Comment vivez-vous au quotidien ce qu’on appelle la « simplicité volontaire » ou la « sobriété heureuse » ?

Robert : Nous avons un vœu de simplicité et de pauvreté. Nous vivons une pauvreté laborieuse et non mendiante, une pauvreté où l’on sue. (rires)


Dans le prochain article, vous découvrirez le mode de vie de l’Arche de Lanza del Vasto.

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