Jean-Frédéric Poisson a eu la gentillesse de m’accorder de son temps pour répondre à quelques questions sur sa vision de l’écologie. Etant donné son emploi du temps de période électorale, c’est par mail qu’il m’a envoyé ses réponses, ne laissant pas la possibilité d’approfondir certains points ou de rebondir. Il est évident qu’un seul entretien, bref qui plus est, ne permet pas de saisir l’ensemble de la pensée de Jean-Frédéric Poisson sur les questions d’écologie mais ses réponses suscitent néanmoins un certain nombre d’interrogations que je me permets de soulever, avec la participation d’Adélaïde Pouchol.
Dans une première question, je demandais à Jean-Frédéric Poisson quel sens il donne aux termes de « droite » et « centre », et où il se place sur l’échiquier politique actuel. Sa réponse est orientée exclusivement sur sa vision de la droite et de ce qu’elle devrait assumer d’être (à savoir conservatrice, avec un aspect social et anti-libéral). Cette réponse appelle d’autres questions. L’ambition de Jean-Frédéric Poisson est-elle de sauver la « droite » ou de sauver la politique en général ? Il est clair qu’en France aujourd’hui, le clivage gauche-droite n’a plus aucun sens, le libéralisme moral de la gauche et le libéralisme économique de la droite ayant progressivement largement débordé leur camp respectif. S’agit-il alors de recréer un paysage politique dans lequel gauche et droite représentaient bien plus qu’une place dans l’hémicycle ? Il semble qu’il faille plutôt se débarrasser définitivement de ces étiquettes politiques devenues caduques pour redessiner les contours de la pensée politique française. La question n’est donc plus vraiment de savoir si Jean-Frédéric Poisson est de droite ou de gauche, mais bien de savoir s’il est prêt à défendre une vision de la politique ordonnée au bien commun et appuyée sur une écologie intégrale.
Vient ensuite sa définition de ce qu’il appelle l’idéologie libérale-libertaire, où il rappelle que ces deux courants prennent racine dans une même logique de refus des limites et œuvrent ensemble à fragiliser les fondements de notre société. Un sujet sur lequel on pourrait disserter des heures mais qu’un si court article ne permet pas, hélas, de développer. Pour ceux qui aimeraient en savoir un peu plus, je ne peux que conseiller de lire, parmi bien d’autres livres, Décroissance ou décadence de Vincent Cheynet.
La place de l’homme au sein de la Création
Lorsque je lui demande ce qu’il entend par « désordres écologiques », Jean-Frédéric Poisson répond juste également. Cependant, cette phrase : « Ce n’est pas d’abord pour la planète que je m’inquiète, mais pour les conditions nécessaires à l’homme pour vivre conformément à ses besoins » me donne l’occasion de développer un point, celui du rapport de l’homme à la Création. Bien évidemment, il convient de rappeler que l’homme y tient une place particulière, comme le rappelle le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise : « L’homme est le sommet de la création visible, car il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. » (343-344). Mais il est aussi écrit plus haut : « À travers le récit des « sept jours » de la création, la Sainte Écriture nous fait connaître la valeur de la création et sa finalité qui est la louange de Dieu et le service de l’homme. Toute chose doit son existence à Dieu, de qui elle reçoit sa bonté et sa perfection, ses lois et sa place dans l’univers. » (337-344). Il faut donc noter que la Création n’a pas comme seule finalité d’être à la disposition de l’homme dans une vision purement utilitariste, mais bien qu’elle a une valeur en elle-même puisqu’elle est voulue par Dieu. « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. » (Gen. 1,3), nous enseigne la Bible. Dieu a voulu que sa Création soit belle en soi, l’homme étant là pour parfaire et finaliser son dessein. Il me semble que la devise des trappeurs en dit beaucoup : « Prélever sans appauvrir ». Il serait temps de voir la relation entre l’homme et la nature non comme un combat mais comme une coopération, dont le but ultime est la louange de Dieu.
Croissance verte ou décroissance ?
Jean-Frédéric Poisson nous parle ensuite de ce qu’il a retenu de l’encyclique Laudato’ Si du Pape François, avec un intérêt particulier sur la notion de frugalité. Je lui demande alors ce qu’il pense de la notion de « décroissance », utilisée par le souverain pontife dans ce texte. Sa réponse sera très brève, et bien que juste, j’aurais aimé qu’il la développe un peu plus afin de répondre plus clairement à l’idée que « la croissance verte ne suffit pas ». Car non seulement elle ne suffit pas, mais elle est une illusion totale, puisque la recherche de croissance économique dans l’état actuel des choses est un des exemples flagrants de ce refus des limites dont nous parlions précédemment.
Il convient de préciser quelques points sur cette notion de décroissance. Je parle bien ici de croissance économique, car il reste souhaitable que nous croissions en bien d’autres domaines (justice, liberté, sécurité, subsidiarité, etc.). Je parle également à l’échelle de la France dans ce cas précis, puisqu’il s’agit de l’élection présidentielle. On pourrait parler à l’échelle occidentale ou même mondiale, mais ce n’est pas le sujet ici. La croissance française actuelle, fort basse au demeurant (1,1% en 2015), est maintenue de manière totalement artificielle grâce à l’injection permanente de sommes considérables d’argent virtuel dans l’économie par l’Etat et les banques. Tout simplement puisque nous avons dépassé la limite de croissance atteignable aujourd’hui (et par quels sacrifices !). Bien sûr, prôner une décroissance économique globale ne veut pas dire que toute activité doive décroître. Certains domaines, certaines échelles locales, peuvent continuer à croître, pendant que d’autres doivent décroître. C’est, appliqué à l’échelle de la France, ce que dit le Pape à l’échelle du monde (Laudato’ Si, 193). La somme de ces croissances et décroissances à l’échelle française doit arriver à une décroissance globale et accompagnée.
Et si les quelques points de son programme économique cités après semblent relever du bon sens, ils pourraient être également revendiqués dans une perspective de croissance absolue, auquel cas ils seraient un contresens par rapport aux idées affichées par Jean-Frédéric Poisson.
Vient après une question sur sa vision de l’écologie politique de ces dernières années, à laquelle il répond de manière assez superficielle. Comme le pape François l’a développé dans son encyclique Laudato’ Si, Jean-Frédéric Poisson appelle à faire face à la crise écologique non pas par les seuls moyens politiques mais également par une « conversion individuelle », un changement de mentalité et de paradigme. Il dénonce également notre rapport de « domination utilitariste » au monde. Pour autant, si la prise de conscience écologique que souligne Jean-Frédéric Poisson ces dernières années à l’échelle politique est un signe encourageant, le candidat n’évoque absolument pas les limites et dangers d’une certaine « idéologie verte » qui irrigue les instances nationales et supranationales. Cette dérive de l’écologie se nourrit d’une vision de la nature où l’homme ne serait qu’un animal comme les autres, qui plus est nuisible pour la terre. Une idéologie qui prêche une forme de sacralisation de la nature, à rebours de l’humanisme à l’occidentale (qui n’est pas sans danger non plus !) et justifie une certaine forme d’eugénisme. L’homme serait un nuisible et la terre ayant des ressources limitées, il faudrait limiter les naissances… C’était l’un des arguments de Margaret Sanger, fondatrice du Planning Familial aux États-Unis, et c’est aussi au nom de la prétendue surpopulation que des femmes ont été stérilisées de force dans certains pays pauvres. Outre le fait qu’elle est souvent un prétexte pour servir des intérêts financiers, l’écologie telle qu’elle se développe aujourd’hui dans les sphères politiques est dangereuse parce que basée sur une anthropologie déviante. Un point crucial sur lequel un candidat catholique ne peut faire l’impasse ! Je vous invite à lire L’idéologie verte du père Joseph-Marie Verlinde et Le Terrorisme à visage humain de Mgr Michel Schooyans sur ces sujets.
Monsieur Poisson, venez à Notre-Dame des Landes !
Arrive ensuite la question des grandes luttes écologistes actuelles, à commencer par Notre-Dame-des-Landes. Tout d’abord, Jean-Frédéric Poisson ne répond pas sur le bien-fondé ou non du projet d’aéroport, mais exclusivement sur les méthodes des zadistes. Et il faut dire que sur ce point, ses réponses laissent penser qu’il ne connait du dossier que ce qu’en dit l’Etat par l’intermédiaire de ses outils de propagande que sont les grands médias, en fantasmant sur la violence excessive des opposants au projet, sur l’occupation illégale des lieux, sur le rejet des décisions soi-disant publiques, etc.
Reste à savoir ce que Jean-Frédéric Poisson pense de l’idée de désobéissance civile, ainsi que la légitimité de l’utilisation de la force face à l’Etat. Le maintien de l’ordre justifie-t-il l’obéissance aveugle à l’État même quand celui-ci donne un ordre injuste ?
J’ai eu la chance de passer un peu de temps à Notre-Dame des Landes, et si Jean-Frédéric Poisson veut en savoir un peu plus sur le sujet et rencontrer des opposants, je serais très heureux de les mettre en contact, et pourquoi pas de me rendre sur place avec lui ! Car, qu’on le veuille ou non, quiconque prétend diriger notre pays aura à gérer ce dossier qui est loin d’être terminé.
Quelques liens sur Notre-Dames-des-Landes, par votre serviteur :
. entretien avec Marcel et Sylvie, paysans historiques de la ZAD
. entretien avec Micka, paysan-boulanger sur la ZAD
Peut-on aussi demander à M. Poisson ce qu’il entend par cette phrase, prononcée lors d’un de ses récents meetings, comme quoi « les parents et les enfants sont plus importants que les papillons et les brins d’herbe » ?
A-t-il conscience que sans ces fameux « papillons et brins d’herbe » dont nous dépendons totalement, il n’y a plus d’enfants ni de parents ?
Que rien ne sert d’opposer ou de hiérarchiser l’écologie dite environnementale et l’écologie dite humaine, que l’une ne peut pas aller sans l’autre et vice-versa -et que c’est justement cela qu’on appelle écologie intégrale ?
Que le pape appelle à cette prise de conscience et à cette conversion dans son encyclique ?
Qu’en disant cela il se décrédibilise complètement ? -pas aux yeux de tous, certes : cette petite phrase satisfait une belle partie de son électorat potentiel.
Qu’il s’agit d’un grave contre-témoignage de la part de quelqu’un qui se revendique porte-étendard des chrétiens en politique ?
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Cette phrase est malheureuse, ceci dit je pense qu’elle ne mérite pas l’esclandre qu’en a fait Plunkett, avec excommunication à la clé.
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Bonjour,
Ce monsieur est « peut être » chrétien mais en ce qui concerne l’écologie il n’y croit pas. Il suffit de voir son bilan dans la communauté d’agglo qu’il préside: extension d’une piscine (surconsommation d’eau et d’énergie), création de zones d’activités sur des espaces naturels et agricoles; achats de voiture d’un certain Bolloré (voitures qui consomment continuellement)…
Mis à part ses publications strato-philosophqiues, qu’a t-il fait concrètement en tant qu’homme public? Grand diseu; petit faiseu !
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