Après une dizaine de jours en région parisienne pour passer Noël en famille, je redescends à Caunes-Minervois avec mon frère pour passer le mois de janvier dans le coin. Je passe quelques jours sans sortir à cause d’une vilaine crève. L’occasion de perfectionner ma méthode de confection du pain au levain naturel, que je continue aujourd’hui à travailler pour l’améliorer, et de tester différentes recettes de brioches et pizzas, au levain naturel toujours.
Mon mois se partage ensuite entre les semaines dans différents endroits avec Pilou, un ami du frangin, ouvrier agricole à temps partiel, et les week-ends à Caunes.
Une petite semaine chez Adrien et Sophie, un jeune couple installé au Fournas, dans les Montagnes Noires. Adrien a 24 ans et a repris l’activité de ses parents en élevage de moutons. Sophie, elle, en a 26 et, en plus d’aider Adrien, a quelques vaches. Ils produisent donc de la viande de mouton et bœuf, ainsi que du fromage, de la crème et des yaourts de vache. Ne vendant que dans les alentours de chez eux a des clients qui les connaissent, ils n’ont pas pris la peine de prendre un quelconque label bio. Ils essaient tant que possible de produire la nourriture de leurs bêtes, qui sont au maximum en pâturages. Pour ce qu’ils ne peuvent produire, ils font le plus souvent appel aux paysans voisins et/ou amis, l’idée étant de se passer au plus des filières conventionnelles. Un choix qu’ils appliquent également dans leurs choix de consommation, ce qui implique un mode de vie fait d’autonomie et de solidarité. Heureusement, ils sont très nombreux à avoir choisi ce mode de vie dans les alentours, ce qui rend possible énormément de choses : échanges de services, troc, dons, etc. De nombreuses activités sont également organisées : soirées danses traditionnelles et musique, soirées jeux de société ou cinéma, après-midi tricot-ragots, chez les uns ou les autres ou à la « Grange Co » du petit hameau de Sales.
Une petite semaine donc à partager leur vie, entre agnelages (naissance des agneaux) et biberons pour les agneaux rejetés par leurs mères, distribution de foin et paillage des enclos dans la bergerie, traite à la main de la seule vache dont Sophie utilise le lait à ce moment-là et observation de l’avancée de la gestation de Fanfan, qui devrait mettre bas prochainement, bricolages divers et bois de chauffe, travail à la scierie voisine et chargement de planches pour deux futurs portails pour la grange… Et de chouettes moments à jouer ou discuter au coin du poêle, tout cela sans réseau ni connexion (ils ont une Wifi, mais je m’y connecterai très peu) ! Il commence à faire froid, et à neiger le jour de notre départ. J’en profite pour partir marcher vers le point culminant le plus proche, où la neige cumulée avec un vent donne l’impression d’une véritable tempête de neige et accentue le froid : magnifique !
Nous passons la semaine d’après à la « Grange Co » du hameau de Sales, dont la quinzaine d’habitants fonctionne de manière très collective. La plupart sont paysans, mais d’autres métiers y sont présents tels que meunier, menuisier, boulanger. Les habitants du hameau, ainsi que les voisins plus ou moins proches (dont Adrien et Sophie, mais aussi la sœur et les parent d’Adrien, Arnaud le patron de la scierie), sont autonomes dans un certain nombre de domaines. En effet, en plus de leurs sources de revenus officiels et déclarés, la plupart ont des bêtes et des potagers, qui leur permettent d’avoir sous la main de quoi se nourrir sans passer par les grandes surfaces. Tous se chauffent au bois, coupé dans leurs propres parcelles. La proximité et l’amitié avec Arnaud, propriétaire d’une scierie, leur permet d’avoir du bois à moindre prix, etc. Les exemples sont nombreux ! La solidarité est grande, le troc ou les échanges de services vont bon train ; les covoiturages ou mises en commun de véhicules, autant utilitaires et agricoles que personnels, permettent une large palette de moyens de transports, etc.
La « Grange Co », où nous avons posé nos bagages pour la semaine, est un bâtiment ancien ouvert à tous, où chacun peut mettre à disposition ce dont il n’a pas forcément besoin. On y trouve de quoi cuisiner, de la nourriture, de quoi se chauffer et dormir. Tout fonctionne sur le don, une tirelire est à disposition pour participer aux éventuels achats. Nous y sommes arrivés une semaine très froide (nuits jusqu’à -10/15, neige, routes gelées), le bâtiment n’est pas isolé et retient très peu la chaleur du poêle. Nous dormons donc avec plusieurs couvertures et nous réveillons avec la trace gelée du souffle sur l’oreiller, mais nous passons une excellente semaine à filer des coups de mains par ci, par là. Nous prenons l’essentiel de nos repas chez Gillou, le « patriarche » de la montagne à 60 ans. Paysan, il est propriétaire et initiateur d’un certain nombre de projets locaux. Il fait de la viande de bœuf, des céréales, de la farine, du jus de pommes, et plein d’autres choses ! Sa maison est en quelque sorte le centre névralgique du hameau. Il n’est pas rare de se retrouver à table à dix, et sa porte est toujours ouverte ! Nous avons pu goûter les premières pièces de deux porcs que nous avions vus être saignés et découpés, pendus à la fourche d’un tracteur, la semaine précédente en venant à la soirée jeux de sociétés. Et toujours sans technologie ni réseau. Un bond dans le temps de quelques dizaines d’années en arrière, où la vie, quoiqu’on en dise, avait tout de même un certain charme !
Direction ensuite le village de Fontiès-Cabardès, où les familles de deux des frères et sœurs de Pilou se sont installées pour faire du fromage. JiJi (frère de Pilou) et Julien (son beau-frère) travaillent ensemble à la ferme, en se répartissant les tâches entre le fromage pour JiJi et la vente pour Julien. Tous les deux s’occupent à côté de leurs douze vaches : entretien du hangar et des parcelles, traite et nourriture des bêtes, etc. Ils produisent eux-mêmes une bonne partie de la nourriture de leurs vaches (foin, céréales, paille, etc.) et achètent le peu qu’il leur manque autour d’eux et/ou en bio. Ils sont d’ailleurs en conversion en bio, même s’ils le sont déjà dans les faits. Ils essaient tant que possible de se simplifier la vie et de se dégager du temps pour faire autre chose à côté, ce qui implique une mécanisation de leurs outils de travail. Mais leur petite taille, ainsi que l’achat de matériel d’occasion, leur permettent de faire cela dans les limites du raisonnable et sans se ruiner. Grâce à cela, ils arrivent déjà, après moins d’un an d’installation, à faire régulièrement des journées de moins de 10h, ce qui paraît impensable pour la majorité des acteurs du système agricole. Ils essaient tant que possible de respecter au maximum les règlementations souvent absurdes que leur impose le système actuel, mais sans se laisser dépasser pour autant par elles.
Une semaine riche en discussions, sur l’équilibre à trouver entre modernité et tradition notamment, et en apprentissages, théoriques et surtout pratiques ! Maniement de tracteurs, traite à la machine, préparation des fromages. Différents petits coups de mains en plus, nettoyage des bois et des haies, bois de chauffe, cuisine, etc. Nous étions logés et nourris chez JiJi et Tina, et leurs deux enfants, très mignons mais trèèès vivants !
Le dernier week-end de janvier, nous sommes allés avec Pilou à la Messe chez les chanoines de Lagrasse et nous nous sommes ensuite baladés dans les montagnes au-dessus du village, jusqu’à la chapelle de Notre-Dame du Carla, perdue dans une vallée déserte. Un chouette moment en pleine nature, interrompu seulement par les discussions de quelques marcheurs qui profitaient du beau temps.
Quelques photos d’une autre balade :
J’essaierai dans les prochains jours de passer un moment dans une famille vivant de manière autonome dans les Corbières, et me dirigerai probablement vers la région lyonnaise où j’ai quelques contacts ensuite, après un potentiel passage à la rencontre annuelle nationale des Journées Paysannes mi-février.
Bonus vidéo : soirée danses traditionnelles
Ici, une polka à deux temps !