Le week-end des 11 et 12 mars avait lieu au monastère des Dominicaines de Taulignan (Drôme) la réunion trimestrielle de l’association Oeko-Logia, fondée il y a huit ans par Fabien Revol, docteur en théologie et en philosophie. En lien avec les diocèses de Valence et de Lyon, elle compte à son actif une vingtaine de membres de la société civile et ecclésiale actifs pour la promotion d’une écologie intégrale. Reportage.
C’est à 11h du matin, après une heure et demi de route sous un soleil radieux, que j’arrive ce samedi 11 mars au monastère de Taulignan pour assister à la réunion d’Oeko-Logia dont m’a parlé une semaine plus tôt Fabien Revol lors de notre rencontre. Immédiatement accueilli par la sœur hôtelière, je suis introduit lors de la première réunion du week-end. J’arrive au moment où la quinzaine de membres présents achève son tour de table des dernières nouvelles et avancées personnelles depuis leur dernière rencontre, en décembre dernier. Autour de la table, des laïcs d’horizons divers, deux sœurs de la communauté et le Père Pierre-Laurent, prêtre diocésain déjà rencontré à deux reprises auparavant. Vincent, l’animateur du week-end, m’invite à me présenter rapidement, puisque Fabien a déjà annoncé ma venue plus tôt.
Immédiatement après cette présentation, une première réflexion s’engage sur le rôle d’Oeko-Logia à redéfinir après huit années d’existence. Des idées sont jetées pêle-mêle, qui seront réfléchies par chacun au cours des deux jours sur place : être force de propositions concrètes dans le diocèse et les paroisses, faire un pas de plus dans la société en devenant une association à part entière, prendre part à des manifestations et pétitions d’ordre politique et militant font partie de ces idées.
Pour remettre entre les mains de Dieu ces réflexions et les discussions à venir, ceux qui le souhaitent sont invités à se rendre à l’office. S’ensuit le repas où les discussions vont bon train, dans la joie des retrouvailles : si quelques années plus tôt, la plupart ne se connaissaient pas, c’est aujourd’hui entre bons amis qu’ils se côtoient ! Ce repas est l’occasion pour moi de faire connaissance avec chacun de manière plus personnelle. Mon expérience les intéresse énormément et déjà certains me demandent conseil sur certaines réflexions, ce qui me touche profondément venant de personnes inconnues le matin même et souvent plus âgées que moi.
Après la pause déjeuner, nous partons travailler une heure avec les sœurs à la cueillette du romarin sauvage qui servira aux tisanes et autres médecines préparées par la communauté. Le temps est magnifique sous les arbres du bois voisin où pousse en toute liberté le romarin si recherché, les bourgeons commencent à éclore un peu partout, une douce odeur flotte dans l’air, une odeur de printemps !
Nous nous retrouvons après pour la suite du programme, en commençant par un état des lieux de l’avancement de l’écriture d’un livre, co-écrit par tous les membres d’Oeko-Logia, proposant un guide de lecture de l’encyclique Laudato Si’ du Pape François, ainsi que des conseils de mise en pratique.
Un des membres nous fait ensuite une brève présentation du Parcours Zachée (un parcours pour intégrer la Doctrine Sociale de l’Eglise dans son quotidien) et plus spécifiquement des séances consacrées à l’écologie. Un avis très positif sur l’ensemble du parcours et particulièrement satisfait sur le sujet qui nous intéresse.
L’office des vêpres est ensuite proposé à ceux qui le désirent, avant de reprendre le travail pour discuter de l’organisation de la prochaine Journée Mondiale pour la Sauvegarde de la Création, instaurée par le Pape François à la suite des églises orthodoxes, qui aura lieu début septembre au monastère. Divers intervenants seront présents pour des conférences et une table ronde et beaucoup de monde est attendu cette année.
Nous passons ensuite à table avant de nous retrouver pour une brève présentation de la problématique du retour du loup en France. Nous regardons ensuite un passionnant reportage sur le tournage du film-documentaire La Vallée des Loups, récemment sorti au cinéma. Je suis très heureux d’avoir pu participer à ce moment, puisque je me pose depuis un certain temps de nombreuses questions sur cette problématique.

Le film se termine à 22h30, chacun est libéré jusqu’au lendemain matin.
Nous nous retrouvons vers 8h ce dimanche matin pour le petit-déjeuner et très vite la discussion s’oriente sur la problématique du loup et sur la régulation des espèces en général. Nous embrayons ensuite sur le premier temps de la journée : le test de la méthode de réflexion proposée dans le livre en écriture sur Laudato Si’. Pour cela, nous nous divisons en trois groupes pour analyser les problématiques suivantes, par lesquelles les membres de l’association sont directement concernés : le projet de « Center Park » de l’entreprise Pierre et Vacances (ZAD de Roybon), le gaz de schiste et le nucléaire. Pendant près de deux heures, chaque groupe devra essayer de répondre aux différentes questions du formulaire d’analyse et noter leurs critiques qui seront débattues plus tard. Je suis frappé par l’honnêteté dont ils font preuve, étant capables de noter également les points potentiellement positifs de projets avec lesquels ils sont pourtant en désaccord, prenant en compte tous les aspects (social, environnemental, spirituel, etc.) de la situation : une belle application du principe d’écologie intégrale !
Nous participons ensuite à la Messe dominicale célébrée par l’aumônier du monastère, ancien évêque s’étant mis au service de la communauté, puis nous déjeunons avec les autres convives présents ce week-end.
Nous nous retrouvons ensuite pour la dernière après-midi du week-end, pour revenir sur les propositions faites par chacun en début de session sur l’évolution du rôle d’Oeko-Logia. Pour chaque point, chacun réagit et donne son avis, ses doutes et ses questions. Certains points sont validés, d’autres sont laissés en maturation, peu sont rejetés. Cette discussion prend un certain temps, puis vient le moment de se préparer à partir. Le meneur du prochain week-end prévu en juin est choisi, il sera chargé de préparer le programme en coordonnant les interventions de chacun.
Avant de plier bagage, il m’est demandé d’intervenir, en temps qu’œil extérieur et fort de mon expérience de maintenant quelques mois dans les milieux alternatifs (souvent non-chrétiens), pour donner mes remarques sur ce week-end. Je commence donc par livrer le ressenti que m’ont donné un nombre non-négligeable des personnes rencontrées à propos du milieu catholique : en premier lieu, un certain nombre de divergences d’ordre moral (avortement, mariage entre personne de même sexe, vision de la femme par rapport à l’homme par exemple) ; en second lieu, et c’est là le point le plus important à mes yeux, un manque de cohérence entre le message chrétien et les actes, en particulier par rapport aux modes de vie (le modèle libéral-conservateur, en grossissant le trait), incohérence qui nous est pour le coup vivement reprochée. Partant de ce constat, j’ai réagi sur les discussions concernant les orientations futures de l’association, en insistant particulièrement sur le fait qu’il me semble important de travailler en lien avec les associations, les entreprises et les paysans écologistes, et créer par conséquent des ponts entre chrétiens et écolos ; pourquoi pas proposer des solutions pratiques au diocèse et aux paroisses quant à leurs besoins concrets (restauration ou construction de bâtiments, installations de sources « d’énergies propres », etc.) en les mettant en relations avec des entreprises travaillant dans le respect de la Création ? Je leur ai rappelé que s’il est en effet important de bien réfléchir nos actions, il nous faut prendre conscience que nous sommes en situation d’urgence face à la détérioration morale et écologique du monde : il nous faut donc nous dépêcher de prendre des décisions d’actions concrètes, quitte à revenir dessus après expérience.
Est venue après ce bref exposé une question sur le fait de savoir si l’étiquette ouvertement catholique de l’association ne risquait pas de poser problème dans la prise de contact avec des mouvements écologistes. Ce à quoi j’ai répondu qu’à priori, si nous faisons nous-même le pas de nous rapprocher d’eux, ils ne peuvent qu’en être touchés et que si cela n’aboutit pas sur une réelle collaboration, cela peut au moins être vecteur d’une cohabitation en bonne entente.
Vers 17h, l’heure est venue pour chacun de rentrer chez soi, raffermi dans la Foi et toujours plus prêt à se battre pour l’insurrection écologique des consciences que nous propose le Pape François.
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